Mobile
Tablette
Medium
Laptop
Desktop Small
Desktop
01/06/2012

L’empowerment* est mort ; vive l’empowerment

Note : Cet article de blog a été traduit par IGI Partners et est mis à votre disposition gratuitement, afin que, si vous ne parlez pas anglais ou tout simplement préférez lire le français, vous puissiez tout de même profiter du contenu de qualité qu’offre cet article, rédigé par Brian Robertson, un des créateurs de Holacracy.

L’empowerment est aujourd’hui un concept populaire pour un leadership efficace. Les leaders chevronnés sont souvent conscients des limites des méthodes traditionnelles « du-haut-vers-le-bas » et en mode « prédire-et-contrôler », et beaucoup cherchent activement à améliorer les résultats et la culture d’entreprise en encourageant leur main d’œuvre à mieux utiliser leurs talents et exprimer davantage leurs opinions. Mais allons plus loin : si vous êtes un leader ou un chef, imaginez-vous empuissancer** non pas des individus mais un processus auquel vous devrez aussi vous soumettre – plus personne n’étant au-dessus des lois. Et si vous êtes un employé, imaginez-vous prendre tout le leadership et les responsabilités dans vos rôles, sans compter sur une supervision de type parental ou sur qui que ce soit pour vous empuissancer – car vous êtes maintenant un agent autonome de l’entreprise, avec un vrai pouvoir.

Je rencontre régulièrement des leaders et des agents de changement qui cherchent des façons de contourner les limites et leurs effets malsains dans l’environnement de l’entreprise. Parmi ces pionniers, une opinion prédominante soutient l’idée qu’améliorer des organisations signifie mettre en place des leaders super développés, sages et conscients qui empuissancent les autres en renforçant leur autonomie – ils cherchent effectivement à ce que le rôle archétypal du « leader-parent » soit rempli mais par de « bons parents ». C’est sans aucun doute un pas en avant et souvent un grand pas, même si cela amène, non sans une cruelle ironie, un environnement dans lequel les gens ont besoin d’être empuissancés par les bonnes grâces d’autrui, ce qui est fondamentalement un environnement déresponsabilisant.

Je vois un avantage plus profond à rendre complétement désuet la nécessité d’un modèle de leadership parental. Quand un leader héroïque veut sincèrement transcender les limites du leadership conventionnel et ressent l‘impulsion de renforcer l’autonomie des autres (empowerment), ce moment est en fait un signe indiquant une plus grande opportunité de changement. Cela soulève la question du pouvoir et où celui-ci réside. Cette question est centrale à tout changement de paradigme. Les changements au sein de grands groupes de personnes, que ce soient des nations ou des partis politiques, à but lucratif ou non, sont généralement liés à des bascules du siège du pouvoir ou de l’autorité.

Pour dépasser le concept du leader autocratique et aussi celui du dirigeant bienveillant qui empuissance les autres, sans tomber dans ce que j’appelle la tyrannie du consensus, il faut un système qui empuissance tout le monde. Par « système » je veux dire une structure de pouvoir nouvelle et concrète pour l’organisation, et de nouveaux processus qui détiennent et répartissent l’autorité, plutôt que ce soit les leaders qui le fassent par le biais de décrets autocratiques. Holacracy est un tel système et ses « règles du jeu » peuvent être tissées dans la structure de fonctionnement de l’organisation – et même dans le règlement intérieur juridique de l’organisation une fois que celle-ci est prête pour cette étape, comme nous l’avons fait avec HolacracyOne.

Une fois adoptée, la Constitution de Holacracy prend les fonctions de gouvernance qui résident traditionnellement au niveau de la direction d’une organisation et les place dans des processus qui sont appliqués jusqu’au bout. Donc Holacracy découple la direction du leader. On me demande souvent si Holacracy rend obsolète le besoin de leadership et ma réponse est non – elle partage la direction. Chaque membre de l’organisation est appelé à devenir leader dans ses rôles et il lui est confié une vraie autorité pour diriger. Ce système d’autorité partagée est un des aspects de l’approche holacratique qui est le plus radical et transformateur.

Ça a l’air bien tout ça, mais c’est sûrement encore le gars d’en haut qui tire les ficelles quand d’importantes décisions sont à prendre, n’est-ce pas ? Et bien, non. Dans une entreprise qui fonctionne avec Holacracy, la plupart des décisions opérationnelles sont prises de manière autocratique – mais, du fait que le pouvoir est partagé, ces décisions sont prises par les gens à chaque niveau de l’organisation, dans leur zone d’autorité, et il n’y a personne « plus haut » qui a le pouvoir de l’emporter sur eux.

Je voudrais cependant mettre l’accent sur le fait que partager l’autorité n’est pas seulement la question de retirer le pouvoir des mains du leader et le donner à une ou plusieurs autres personnes. Le changement ici est plus fondamental. Le siège du pouvoir passe de la personne au sommet à un processus. Des règles concrètes produisant des résultats clairs règnent en maitre lors des réunions de gouvernance en Holacracy – réunions qui se déroulent au sein de chaque équipe du sommet à la base. De la même manière qu’un parlement investi d’un pouvoir constitutionnel définit des lois que même un président ne peut supplanter, la constitution de Holacracy définit le siège du pouvoir de l’organisation comme reposant sur un processus législatif et non pas sur un chef d’État autocratique. Les fonctions d’intégration du leader ainsi que celles génératrice d’alignement ne sont pas éliminées, elles sont tout simplement placées au sein d’un processus.

Lorsque que cette pratique commence à se mettre en place dans les entreprises avec lesquelles j’ai travaillé, les personnes impliquées la reçoivent comme une révélation et un défi. Les travailleurs réalisent qu’ils ne sont plus uniquement des employés qui suivent des ordres. Ils ont une autorité et un pouvoir réels. Et avec cela viennent de vraies responsabilités, souvent ressenties de façon intérieure – ils n’ont plus de manager-parent pour résoudre leurs problèmes. D’un autre côté, les managers se sentent souvent libérés du fardeau de s’occuper des problèmes des autres mais ils doivent aussi se résoudre à céder une partie de leur autorité et de leur contrôle.

Les deux résisteront au défi de passer des archétypes connus de la dynamique parent-enfant, si commune de nos jours, à une dynamique adulte-adulte provoquée par Holacracy. Pourtant, une fois la transition faite, chacun détiendra le pouvoir et la responsabilité d’être un bon leader dans ses rôles, et sera en même temps un bon suiveur des autres agissant dans leurs rôles – le tout au service de la mission de l’organisation. Et avec un processus constitutionnel qui intègre et aligne ces rôles semi-autonomes, le besoin de managers pour le faire, tels des seigneurs féodaux, devient tout bonnement obsolète et finalement disparaît.

L’empowerment est mort ; vive l’empowerment !

Notes du traducteur :
*Empowerment : mot anglais qui veut à la fois dire : le fait de responsabiliser, d’habiliter, d’encourager dans le sens de donner du pouvoir, de la puissance, de la force, de la confiance, de l’autonomie… Ce mot n’est pas vraiment traduit en français, il est passé tel quel dans le langage courant du monde de l’entreprise et du management ; c’est pourquoi nous avons décidé de le garder dans notre travail de traduction.
**Empuissancer : mot inventé pour traduire le verbe anglais « to empower », qui n’a pas sa traduction et qui n’est pas non plus utilisé tel quel en français, contrairement au mot « empowerment ». Nous avons donc décidé d’utiliser le mot « empuissancer » pour rendre le sens du verbe anglais « to empower » dans ce texte. Empuissancer veut à la fois dire : responsabiliser, habiliter, encourager dans le sens de donner du pouvoir, de la puissance, de la force, de la confiance, de l’autonomie…

Version Originale ©2011 HolacracyOne, LLC, Traduction ©2013 IGI Partners Tous Droits Réservés

 Photo :
© envfx – Fotolia.com

Auteur

Bernard Marie CHIQUET

Il a été plusieurs fois entrepreneur et dirigeant de grandes entreprises : Executive Director chez Capgemini, Senior Partner chez Ernst & Young, Président-Fondateur de Eurexpert. Dans un deuxième volet de sa carrière, il a acquis une compétence d’executive coach (HEC), de médiateur (CAP’M) et coach en Holacracy® depuis 2011 et Master Coach depuis Janvier 2013, le plus haut niveau de certification.

Durant toutes ces années en tant que dirigeant, il a constaté que les organisations étaient sources de beaucoup de gâchis d’énergie et humain. “Comment avoir une structure organisationnelle simple, explicite, sans jeux politiques et de domination, qui s’adapte aussi vite que le changement lui-même et permet à l’être humain de libérer son potentiel ?” C’est pour répondre à cette question et trouver des alternatives au modèle hiérarchique pyramidal qu’il a fondé l’institut iGi en 2007 (aujourd’hui renommé Nova Consul), First Holacracy® Premier Provider depuis 2010.

Aujourd’hui formateur, consultant en organisation, coach, conférencier, professeur à l’IAE Lyon School of Management (Université Jean Moulin Lyon III) et intervenant à HEC Executive Education, centré sur l’évolution des modes de gouvernance et le leadership, Bernard Marie CHIQUET a crée le Management Constitutionnel®, aboutissement de ses recherches, pour apporter des solutions concrètes, sortir du statu quo et libérer les organisations.

 

 

Pour recevoir nos derniers travaux de recherche

Archives